Des variétés anciennes aux populations dynamiques


Qu’est ce qu’une variété ?

Que désigne le terme « variété » ?

Sur le marché de la semence, le terme de « variété » renvoie à une définition légale (voir : Certificat d’Obtention Végétale) composée de trois critères inséparables :
– la Distinction : une variété comporte au moins un caractère qui la différencie des autres ;
– l’Homogénéité : l’ensemble des individus qui la composent sont identiques ;
– la Stabilité : sa descendance conserve les mêmes traits de caractères.

Nous verrons par ailleurs comment cette définition est une construction mentale normative qui ne correspond en rien à la réalité du vivant.

Qu’est ce qu’une variété ancienne ?

Les variétés anciennes ont été la grande révélation des années 2000, et avec elles le concept de biodiversité cultivée.

Les semences paysannes, qui faisaient jusque-là office de vilains petits canards tout en étant perçues comme des « gisements résiduels d’authenticité » à exploiter, reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène et sont l’objet de convoitises grandissantes pour leur résistance, leur adaptabilité et leur grande qualité nutritionnelle. Elles permettent de relocaliser la production des semences, de réduire les impacts agricoles sur l’environnement et de mieux contribuer à la santé humaine.

Malgré sa popularité, la signification du terme « variété ancienne » demeure parfois floue. Cette appellation ne devrait être réservée qu’à des variétés populations à pollinisation ouverte, décrites avant l’apparition du catalogue officiel et ayant été transmises de manière vivante à l’extérieur du marché des semences. Si ce sursaut de nostalgie a permis de rendre visible auprès du public la disparition progressive du patrimoine génétique cultivé, l’appellation ne garantit pas la qualité des semences.

Les variétés anciennes sont-elles de meilleure qualités ?

Les variétés dites anciennes sont souvent issue de sélections empiriques ou des premières sélections commerciales de la fin du XIXème siècle, à une époque où le goût et les valeurs nutritives étaient privilégiées (les nutriments désignent les oligo-éléments, les vitamine et autres substances médicinales, les aliments sont formés des sucres, graisses et protéines).

Au delà de l’effet de mode, il est important de se souvenir qu’un paquet de « variété ancienne » n’a que peu de valeur si la semence n’a pas été rigoureusement maintenue. Heureusement, il existe encore un important réseau d’amateurs passionnés, complété par quelques semenciers indépendants qui perpétuent la vigueur de cet héritage.

Un certain nombre de souches anciennes ont été incluses dans les collections (comprendre réserve phyto-génétiques à destination des laboratoires) nationales ou privées et ont progressivement été intégrées par croisement dans des variétés commerciales (C.O.V.) plus récentes : la précieuse diversité génétique ancestrale est aujourd’hui à la fois réduite, diluée et privatisée.

Qu’est-ce qu’une lignée pure ?

On parle de lignée pure et de pureté variétale pour désigner un ensemble de plantes très proches, comme une population où chaque individu serait quasiment identique à son voisin. C’est-à-dire que tous les individus présentent la même souche génétique au point d’être presque des clones.

Cet ensemble ne doit se être reproduit que sur lui-même (par auto-fécondation naturelle ou forcée) si on veut conserver cette variété intacte le plus longtemps possible, d’où la nécessité d’éradiquer les sujets hors-type à chaque génération si on veut conserver cette variété intacte le plus longtemps possible.

Les cultures de ces plantes sont dites « stables » car assez uniformes et relativement prédictibles d’une génération à l’autre. Certaines espèces allogames (tomates, laitues, haricots) produisent naturellement un part importantes de lignées pures, bien qu’une petite part de variations puissent être apportées par les insectes.

Qu’est-ce qu’une variété-population ?

A l’inverse d’une variété fixée, une variété-population désigne un ensemble génétique cohérent mais présentant des variations significatives, qui se recombinent à chaque génération. Les cultures de ces plantes (généralement allogames) sont plus hétérogènes, chaque génération évolue et s’adapte à des contextes fluctuants.

Les variété-populations sont le plus souvent initiées en effectuant un croisement entre de nombreuses variétés anciennes, auxquelles on rajoute parfois des sélection modernes réputées pour leurs résistances.

En quoi les variétés-population sont-elles différentes des variétés fixées ?

Les variétés-populations dynamiques en pollinisation ouverte sont chargées d’un potentiel de variabilité et de diversité car le pollen peut circuler librement entre tous les parents. Contrairement à une variété fixée qui est sélectionnées pour être toujours identiques, ou un hybride F1 qui n’a été conçu que pour une seule génération « sacrifiée », une population dynamique est par nature appelée à évoluer au fil du temps.

Cette capacité fait sa force et les semences paysannes en populations dynamiques sont aujourd’hui parmi les plantes cultivées les plus en phase avec les préoccupations agricoles du moment.

Cependant, maintenir la qualité d’une variété-population nécessite de porter une véritable attention aux conditions de culture et à la sélection des portes-graines, afin d’assurer une évolution saine de la population. Cela requiert aussi de la cultiver souvent, tous les ans si possible. Les souches des trois années précédentes devrons également être semées ensemble pour obtenir une bonne adaptabilité et diffuser les variabilités comportementales issues de la mise en mémoire de trois années au climat différent.

Le sélectionneur devra porter toute son attention à favoriser les plantes qui présentent vigueur, qualités gustatives et esthétiques remarquables, résistance aux maladies, et à conserver une proportion équilibrée entre les différents caractères, au risque de voir les populations perdre des caractères intéressants ou retourner vers le type sauvage.

Une population en pollinisation ouverte est par nature appelée à évoluer.

Pourquoi les variétés-populations sont-elles plus résistantes ?

Les plantes cultivées sont grandement influencées par l’environnement humain et la malléabilité du vivant permet chacune de s’adapter au gré des conditions de culture (climat, sol, habitudes du jardinier, etc.).

On résiste mieux à ce qu’on connaît bien. Les plantes issues de variétés populations ont appris à collaborer avec le vivant.

Celles issues de variétés-populations élevées sans traitements, dans un système agricole où la nature est réintroduite présenteront une meilleure adaptation aléas climatiques, aux ravageurs et aux maladies locales, car elles auront « appris » à côtoyer des conditions extrêmes et variées, à coopérer avec les autres êtres vivants. Leurs graines seront toujours plus polyvalentes comparée à une souche habituée à une trop grande protection qui pourrait ne pas résister à la première attaque ou au premier choc (froid, sécheresse, insectes, concurrence, etc.).

Le goût d’un grain, d’un fruit ou d’un légume sera toujours meilleur s’il est dégusté dans son contexte.

Cela est couramment observé pour les tomates ou la vigne, dans lesquelles la saveur finale provient à 60 % de la génétique et à 40 % de l’environnement. Si vous plantez une graine dans un environnement identique à celui dans lequel elle a été élevée et sélectionnée, la plante et son goût n’en seront que plus aboutis.

Pourquoi les variétés-populations sont-elles importantes ?

Permettre la pollinisation ouverte sur des semences paysannes en populations, c’est laisser à la nature (les insectes, les champignons du sol, le vent, etc.) sa part incontournable dans l’évolution du vivant, et renoncer à tout contrôler. C’est, à la mesure de chacun, oser s’affranchir de la dictature variétale et contribuer à un acte social de résistance politique. C’est offrir le champ libre aux surprises, aux accidents, provoquer la chance en n’isolant pas les lignées les unes des autres, mais en les disposant de proche en proche par affinités, ou par contrastes, pour saisir l’opportunité d’une surprenante descendance. C’est aussi permettre à chacun de se réapproprier un savoir-faire ancestral : celui de choisir les plantes les plus favorables à ses propres besoins et ne pas laisser cette possibilité aux seules mains d’une classe particulière de la société (les chercheurs, les entreprises agro-alimentaires…).

S’affranchir de la dictature variétale est un acte social de résistance politique.

Si vous commencez à produire vos semences, rappelez-vous qu’il faut généralement entre trois et sept générations pour qu’une plante soit complètement adaptée à un nouvel environnement. Ne restez donc pas sur un échec si votre culture n’est pas à son optimum la première année : récoltez les graines des meilleurs pieds, et replantez l’année suivante